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Observation spatiale de la Terre, un outil d’aide innovant pour accélérer l’atteinte des 17 ODD


Auteur : Jennifer Fernando


Aujourd’hui s’ouvre à New York, le Forum politique de haut niveau (FPHN) pour le développement durable[i]. Cet événement, qui rassemble chaque année les États membres des Nations unies autour du sujet du développement durable est l’occasion de faire le point sur l’avancement de leurs engagements vis-à-vis de l’Agenda 2030 et de ses 17 Objectifs de développement durable (ODD). L’année 2020 est une année particulière. En effet, en temps de crises sanitaires, il ne reste qu’une décennie pour atteindre les 17 ODD.

La crise du Covid-19 a une nouvelle fois montré l’interconnexion de ces défis souvent mondiaux et la nécessité d’intégrer les dimensions socio-économiques et environnementales dans la réponse à la pandémie mais aussi plus généralement pour aborder les défis dans leur globalité. Pour faire face aux futures crises sanitaires, climatiques et de biodiversité, il est aujourd’hui indispensable d’avoir une vision et un cadre commun.

Adopté en 2015 par les États membres des Nations unies pour « transformer notre monde »[ii], par son caractère universel, intégré et inclusif, l’Agenda 2030 avec ses 17 ODD[iii] offre à tous les acteurs, qu’ils soient acteurs du secteur privé ou public, États ou citoyens du monde, un cadre et une vision pour faire face aux divers maux du XXIe siècle tels que la pauvreté, la famine, les risques sanitaires, la déscolarisation, l’inégalité entre les sexes, le recul de la biodiversité et ou encore le réchauffement climatique. Cet Agenda permet également de bâtir de façon cohérente et efficace à court terme le monde de demain, un monde plus juste, plus durable et plus respectueux de l’environnement. Son succès le sera si seulement si les promesses faites par les États membres des Nations unies pour atteindre les ODD d’ici 2030 sont tenues et transformées en actions concrètes, ce qui ne semble pas en bonne voie à ce jour[iv]. De nombreuses étapes restent encore à être franchies.

Un des challenges, pour beaucoup de pays en développement concerne le manque de données de terrain adéquates. En effet, ces données sont indispensables pour d’une part évaluer les risques, proposer des mesures adaptées et d’autre part faire le compte rendu des avancées pour atteindre les différentes cibles des 17 ODD. Selon un rapport de l’OCDE, près d’un tiers des 169 cibles des 17 ODD ne disposent pas suffisamment de données pour suivre leur avancée[v]. Pour contrer ce problème, l’observation de la Terre par satellites peut être un allié clé.

Le domaine de l’observation de la Terre par satellites concerne la collecte d’information (physique, chimique et biologique) relative à la Terre depuis son l’orbite par le biais de la télédétection. Complémentaire aux données de terrain, elle permet de dériver à la fois des informations clés, à l’échelle globale et locale, et de façon répétée, de l’océan, l’atmosphère, les terres et la biodiversité ainsi que des phénomènes naturels (tempêtes, inondations, sécheresses, feux de forêts, etc.) et anthropiques (pollution de l’air, de l’eau). Il existe à ce jour une large gamme de capteurs capables de suivre les cycles du carbone et de l’eau en passant par la circulation océanique et celle des vents et de les caractériser, une étape indispensable pour mieux comprendre la dynamique de la Terre et sa réponse vis-à-vis des activités humaines.

Au delà de l’apport de connaissances du système Terre, l’observation spatiale de la Terre est un support clé pour suivre les progrès accomplis vers l’atteinte des 17 ODD à toutes les échelles depuis l’échelle d’une ville à l’échelle mondiale. Par le caractère synoptique des données satellites (i.e., résolution spatiale, grande fréquence de revisite), l’occupation des sols ainsi que l’évolution des écosystèmes et des phénomènes naturels et des activités anthropiques peuvent être mieux caractérisés et cela en quasi temps réel. Les données satellites permettent également de s’affranchir des frontières, contrairement aux données in situ, un avantage considérable compte tenu des divers défis en cours et à venir qui dépassent le plus souvent les limites d’un pays.

Ces caractéristiques singulières font de l’observation de la Terre par satellites un atout majeur et un outil innovant transversal au service d’un grand nombre de défis ciblés par les ODD depuis la préservation de la biodiversité (ODD14-15) en passant par une meilleure gestion intégrée de la ressource en eau (ODD6) ou encore le soutien à l’agriculture locale (ODD2). Plus particulièrement, associés à des données de terrain et à des modèles numériques, les données satellites peuvent être un outil de choix pour assister les populations à anticiper les risques (sanitaires, climatiques, insécurité) à venir tout en transformant leurs sociétés et modes de vie. L’observation de la Terre peut être ainsi un soutien au secteur de l’agriculture en facilitant la régulation de l’irrigation des cultures en fonction des besoins (ODD2). De même que pour le secteur de l’énergie renouvelable (solaire, éolien, hydroélectrique), l’observation de la Terre peut contribuer à déterminer les territoires optimaux à leurs installations (ODD7). Ou encore, elle peut jouer un rôle clé dans l’alerte précoce des feux de forêts et des inondations ainsi que des pollutions de l’air et de l’eau (ODD3).

Le domaine du spatial avec ses nombreuses applications utiles à la transformation de notre société offre donc de nombreux avantages pour faciliter l’atteinte des ODD. Cependant, plusieurs obstacles restent encore à être franchis en ce qui concerne leur accès. Mais de nombreuses initiatives et solutions sont en passe de les résoudre.

Le premier défi est que trop peu d’acteurs, que ce soit les entrepreneurs, les décideurs politiques ou encore les citoyens, connaissent le potentiel de l’observation spatiale à la prise de décision. Initialement destiné à la communauté scientifique, la communauté spatiale se développe avec de nouvelles entreprises qui se spécialisent dans le traitement et l’analyse des données. Elle s’ouvre également de plus en plus en orientant ledéveloppement de ses outils pour qu’ils soient au service du développement durable et de la prise de décision.

Le second concerne l’accessibilité des données satellitaires et des services nécessaires à leur utilisation pour la prise de décision au plus grand nombre de pays notamment en développement. De nombreuses initiatives locales, régionales, nationales et internationales existent pour faciliter leur compréhension et leur utilisation.


À titre d’exemple, on peut citer le programme européen Copernicus, un programme de surveillance de la Terre et de prévention. Il offre desservices d’information basés sur l’observation spatiale de la Terre et les données de terrain en accès libre et gratuite via la plateforme « Copernicus Open Access Hub »[vi]. Elle permet d’avoir accès à des données à haute valeur ajoutée qui ne nécessitent pas de connaissance a priori technique et scientifique pour les traiter facilitant ainsi leur utilisation par le plus grand nombre.

On peut également citer l’initiative internationale « Observatoire Spatial pour le Climat » (Space Climate Observatory, SCO)[vii] impulsée fin 2017 par la France via le Centre national d’études spatiales (CNES) lors du premier One Planet Summit. Le SCO a pour ambition de faire converger les données satellites, de terrains ainsi que les travaux scientifiques pour suivre et prédire le dérèglement climatique et ses impacts de l’échelle globale à l’échelle locale et de donner les moyens aux territoires de s’y adapter. En complément des programmes mondiaux existants tels que le programme Copernicus, le SCO devrait offrir un accès unifié aux données spatiales et contribuera à apporter des indicateurs et outils d’aide à la prise de décision notamment pour le suivi de la mise en œuvre des 17 ODD.

Ce type d’initiatives permet également le développement de groupes de travail multi-acteurs et ainsi d’intégrer au mieux les besoins des utilisateurs pour adapter les services dédiés. En facilitant l’intégration des données satellites dans la prise de décision, c’est une opportunité pour de nombreux pays de renfoncer les capacités des différentes gouvernances et institutions nationales et locales pour faire face aux défis à venir.

Le dernier défi concerne les difficultés rencontrées pour financer ces services spatiaux innovants (satellites et applications) par rapport à d’autres secteurs technologiques. En effet, le problème réside principalement au niveau du transfert technologique et de compétences vers d’autres pays, plus particulièrement ceux en développement. Le secteur du spatial se développant dans de nouveaux domaines tels que le développement durable, l’environnement et le climat, ces nouvelles activités créent un bouleversement dans le schéma économique du secteur qui passe d’un modèle d’industrie de produits vers une industrie de service. Principalement financé par des investissements publics, le secteur du spatial doit aujourd’hui innover en mobilisant de nouveaux d’investissements notamment du secteur privé en s’appuyant sur ses acquis et son savoir-faire en matière d’innovation technologique ou en faisant appel à des financements mixtes dans le cadre des ODD, en particulier pour faciliter l’accès à ces nouveaux services aux pays en développement.

Malgré ces défis, l’observation de la Terre par satellites se place comme un outil innovant, en pleine expansion avec un atout majeur, celui de contribuer à réduire les inégalités au regard de l’accès à l’information, un levier important pour accélérer l’atteinte des 17 ODD et préparer au mieux les populations aux défis qui nous attendent.

 

À propos de l'auteur : Jennifer Fernando est consultante en stratégie environnementale. Elle est docteure en sciences de la Terre et diplômée de Sciences Po en politique environnementale. Contact : jfernando.consulting@gmail.com Site internet : https://www.jennifer-fernando.com Références : [i] Pour en savoir plus visitez la page officiel ici : https://sustainabledevelopment.un.org/hlpf/2020#programme [ii]Nations Unies, Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 25 septembre 2015, 2015. Disponible ici : https://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/70/1&Lang=F. [iii]En savoir plus sur l’Agenda 2030 et ses 17 Objectifs de développement durable : https://www.agenda-2030.fr/odd/17-objectifs-de-developpement-durable-10. [iv] United Nations, SDG progress reports 2019 : Are we on track to achieve the global goals ?, 8 juillet 2019. Disponible ici : https://www.un.org/development/desa/en/news/sustainable/sdg-progress-reports-2019.html. [v] OECD, Measuring Distance to the SDG Target 2019. An assessement of where OECD countries stand. Disponible ici : https://read.oecd-ilibrary.org/development/measuring-distance-to-the-sdg-targets-2019_a8caf3fa-en#page1 [vi]Site du Copernicus Open Access Hub : https://scihub.copernicus.eu/dhus/#/home. [vii] En savoir plus sur le Space climate observatory : https://www.spaceclimateobservatory.org


Article disponible en version pdf ici.


Si vous êtes à la recherche de conseils, de formation ou de services relatifs à l'utilisation des observations de la Terre pour la prise de décision et la gestion durable et résiliante des territoires et de ses ressources, veuillez me contacter par email (jfernando.consulting@gmail.com). Pour plus d'information : https://www.jennifer-fernando.com/services.

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