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L’Agenda 2030 comme cadre commun pour les prochaines échéances climat et biodiversité ?

Dernière mise à jour : 20 mai 2020

L’année 2020 a débuté avec une crise sanitaire inédite liée au Covid-19. La pandémie a profondément bouleversé nos sociétés ainsi que l’Agenda politique environnemental international avec le report de deux moments clés : la COP26 sur le climat et la COP15 sur la biodiversité. Bonne ou mauvaise nouvelle ? Comment les prochaines échéances peuvent servir la relance post-épidémique et aider à optimiser la transformation profonde de nos sociétés pour un monde plus résilient et plus durable ?


COP25 sur le climat : un bilan en demi-teinte

À la veille de la mise en application de l’Accord de Paris, alors que les engagements des États du monde entier nous amènent à un réchauffement global entre 2,8 et 3,2°C[1] à la fin du siècle, les négociations à la 25ème conférence des Parties (COP25) sur le climat à Madrid fin 2019 sont restées au point mort faute d’accord entre les pays.


La déception fut grande. La conférence a révélé l’incapacité des États à s’accorder sur des sujets clés tels que les marchés carbones internationaux ou encore les mécanismes de financement du dispositif pertes et dommages. Elle a ainsi mis en lumière le clivage entre ceux prêts à passer à l’action et les autres, réticents ou attentistes, alors que l’implication de tous les pays est indispensable pour surmonter ces nouveaux défis globaux.


Bien que l’appel politique pour passer à l’action climatique ait été manqué, la COP25 a tout de même mis en lumière une volonté forte d’un grand nombre d’acteurs non-étatiques de passer dès maintenant à l’action. L’année 2020 a ainsi débuté avec de fortes attentes en ce qui concerne l’engagement climatique des États du monde.

Un Agenda politique international sur le climat et la biodiversité compromis par le Covid-19 ?


Deux rapports successifs publiés au printemps 2020 annoncent la couleur : 2019 a été la deuxième année la plus chaude à l’échelle de la planète[2] et la première en Europe[3]. Plus que jamais, des actions concrètes doivent être mises en œuvre pour limiter et réduire le réchauffement planétaire.


Après l’échec de la COP25 sur le climat, 2020 était annoncée comme l’année du climat mais aussi de la biodiversité, avec en ligne de mire pour la fin de l’année deux moments importants, à ce jour reportés : la COP26 de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) à Glasgow en Écosse et la COP15 de la Convention de la biodiversité biologique (CBD) à Kunming en Chine. Plusieurs événements clés devaient également rythmer l’année 2020 tels que la conférence sur l’océan des Nation unis à Lisbonne ou encore le congrès mondial de la Nature de l’Union internationale pour la conservation de la Nature (UICN) à Marseille, initialement prévus en juin.


Mais le début d’année 2020 a été marqué par la pandémie du Covid-19 : plus de 300 000 morts à travers le monde à ce jour et plus de la moitié de la population mondiale en confinement. La pandémie a ainsi bouleversé nos sociétés, nos économies, nos modes de vie et chamboulé l’Agenda politique international avec le report de tous les événements clés.


Cette crise sanitaire à dimension mondiale est inédite et révélatrice. Elle a en premier lieu mis en lumière la vulnérabilité de nos sociétés, aujourd’hui interconnectées et devenues vecteurs de la diffusion du virus. Cette interconnexion est double : (i) entre les pays par les échanges commerciaux, le tourisme notamment qui ont rapidement été stoppés par la fermeture des frontières et (ii) entre régions par les échanges sociaux également rapidement limités par le confinement des populations. Malgré l’apparence d’un repli des États et des individus sur eux-mêmes, la responsabilité de chacun et les actions collectives pour maintenir les biens communs et les services essentiels (la santé, la production et distribution alimentaire, l’éducation, etc.) ont primé.


Cette crise a également révélé la relation parfois ambigüe que nous avons avec l’environnement et la biodiversité. Ayant pour origine probable la commercialisation d’espèces sauvages en Chine, la crise actuelle a permis de souligner le lien étroit entre santé humaine et santé écologique. Cette prise de conscience pourrait ainsi permettre de mettre en avant l’importance de la protection et de la préservation des espèces sauvages en lien avec les problématiques de biodiversité dans les négociations à venir en vue de la COP15. Cette conférence constitue une étape clé dans l’histoire de la gouvernance internationale de la biodiversité car les États devront adopter un nouveau cadre international post-2020 pour protéger les écosystèmes à l’horizon 2050 et lutter contre la perte de la biodiversité. Elle devrait avoir lieu en 2021 en Chine, pays qui a vu émerger la crise du Covid-19.


Placer l’Agenda 2030 et ses 17 Objectifs de développement durable (ODD) au cœur de la reconstruction post-crise

Adopté en 2015 par les États membres des Nations unies pour « transformer notre monde »[4], l’Agenda 2030 et ses 17 Objectifs de développement durable (ODD)[5] est un livre de chevet pour tous les acteurs qu’ils soient acteurs du secteur privé ou public, États, ou de la société civile pour faire face aux divers maux du XXIe siècle : pauvreté, famine, risques sanitaire, déscolarisation, inégalité entre les sexes, recul de la biodiversité et réchauffement climatique.


La crise sanitaire que nous vivons a une nouvelle fois montré l’interconnexion de ces défis souvent mondiaux. La pandémie a en effet eu de multiples impacts exposant la population à divers risques : la réduction du temps de travail ou la perte de l’emploi et le risque de pauvreté (ODD1 : pas de pauvreté), la déstabilisation de la production et de la distribution alimentaire et le risque de la faim (ODD2 : faim « zéro »), l’impact direct du Covid-19 sur la santé (ODD3 : bonne santé et bien-être), la suspension des écoles et l’inaccessibilité temporaire des enfants à l’éducation (ODD4 : éducation de qualité), l’accroissement des violences dans les foyers  (ODD5 : égalité entre les sexes), les problèmes de distribution d’eau potable pourtant indispensable pour vaincre la propagation du virus (ODD6 : eau propre et assainissement), l’accroissement des inégalités sociales (ODD10 : inégalités réduites), le recul potentiel de l’engagement climatique des États (ODD13 : mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques) pour relancer l’économie, etc. Elle aura donc eu des impacts autant sur l’économie que sur la santé humaine et écologique.


Nombreux sont ceux qui appellent à une orientation des plans de relance économique pour qu’ils soient une opportunité d'accélérer la lutte contre le dérèglement climatique afin d’éviter le « business as usual » d’avant pandémie, un modèle économique consommateur d’énergies fossiles et de ressources naturelles.


La crise nous rappelle que plus que jamais qu'il est primordial d’intégrer les dimensions socio-économiques et environnementales dans la réponse à la pandémie mais aussi plus généralement pour aborder les défis dans leur globalité. Pour faire face aux futures crises sanitaires, climatiques et de biodiversité, il est aujourd’hui indispensable d’avoir une vision et un cadre commun.

Le report de nombreux grands événements décisifs pour l’environnement est ainsi l’occasion de changer de paradigme des négociations aux COPs où les sujets sont généralement abordés en silo. Il faut désormais aller au-delà des simples enjeux climatiques et environnementaux et penser le monde d’après dans sa globalité. Les prochaines COPs climat et biodiversité ainsi que les échéances intermédiaires devraient ainsi s’assurer du bon alignement entre la relance économique post-épidémique et les enjeux sociaux et environnementaux. Cela requiert de casser les silos, de croiser les Agendas et de mettre au centre des discussions la santé humaine et écologique ainsi que la protection et le partage des biens communs et services essentiels pour tous.


Considérer l’Agenda 2030 et ses ODD comme LE cadre commun autour duquel la relance serait bâtie permettrait une reconstruction post-épidémique cohérente et efficace à court terme et la garantie d’une transformation profonde de nos sociétés plus résilients face aux prochaines menaces sur le long terme. Cela implique que les promesses faites par les États membres des Nations unies pour atteindre les ODD d’ici 2030 soient tenues, ce qui ne semble pas en bonne voie à ce jour[6]. Les prochaines conférences constituent donc une opportunité pour placer cet Agenda au cœur des discussions.


 

À propos de l'auteur : Jennifer Fernando est consultante en stratégie environnementale. Elle est docteure en sciences de la Terre et diplômée de Sciences Po en politique environnementale. Contact : jfernando.consulting@gmail.com. Site internet : https://www.jennifer-fernando.com Référence : [1] Climate Action Tracker. Décembre 2019. Disponible ici : https://climateactiontracker.org/global/temperatures/ [2]WMO Statement on the Sate of the Global Climate in 2019. Disponible ici : https://public.wmo.int/fr/medias/communiqu%C3%A9s-de-presse/un-rapport-interorganisations-met-en-%C3%A9vidence-les-r%C3%A9percussions [3]Copernicus Climate Change Service, European State of the Climate 2019. Disponible ici : https://climate.copernicus.eu/ESOTC/2019 [4]Nations Unies, Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 25 septembre 2015, 2015. Disponible ici : https://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/70/1&Lang=F [5]En savoir plus sur l’Agenda 2030 et ses 17 Objectifs de développement durable : https://www.agenda-2030.fr/odd/17-objectifs-de-developpement-durable-10 [6] United Nations, SDG progress reports 2019 : Are we on track to achieve the global goals ?, 8 juillet 2019. Disponible ici : https://www.un.org/development/desa/en/news/sustainable/sdg-progress-reports-2019.html


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