Auteur : Jennifer Fernando
Depuis l’espace, la Terre apparaît comme un oasis entouré de poussières, de gaz et de vide. Les satellites qui scrutent depuis son atmosphère jusqu’à sa surface apportent une nouvelle vision du monde qui nous entoure. À l’occasion de la journée mondiale de la Terre, retour sur ces images qui dressent le portrait d’une planète aux multiples visages, l’opportunité de prendre conscience de sa singularité mais aussi des stigmates laissés par l’Homme.
Grâce au développement du spatial depuis les années 60, les images prises depuis l’espace nous ont permis de voir notre planète avec un œil nouveau. C’est tout d’abord par ses multiples couleurs que la Terre se démarque des autres planètes rocheuses de notre système solaire (Figure 1) révélant ainsi ses singularités, résultats d’une histoire qui lui est propre. Majoritairement de couleur bleue, des taches marrons, vertes et blanches sont également perceptibles dévoilant ainsi une diversité étonnante de ressources.
Figure 1 : Parmi les planètes rocheuses de notre système solaire, la Terre présente de multiples couleurs qui révèlent de multiples facettes (©ESA, ©NASA).
La Terre, planète « bleue »
Depuis l’espace, incontestablement, sa couleur bleue est ce qui interpelle en premier lieu (Figure 1). Cette couleur, qui lui vaut ce célèbre surnom, est celle de l’eau de l’océan.
Cette ressource recouvre près des ¾ de notre planète. 97% de cette eau est salée et forme l’océan. L’eau douce ne représente ainsi que 3% de l’eau totale. Cette eau est présente sous ces trois formes : liquide, gaz et glace, visible depuis l’espace. Elle forme les calottes glaciaires au niveau des pôles et les glaciers de montagnes (Figure 2c), les nuages (Figure 2e) ainsi que les lacs, cours d’eau, rivières et nappes souterraines sur les continents (Figure 2a). Alors que l’eau douce constitue un des ingrédients indispensables au développement de la vie, seule 1% de cette eau est accessible faisant d’elle une ressource précieuse pour les êtres vivants qu’il faut préserver.
À ce jour, la Terre est le seul astre rocheux à abriter l’eau sous sa forme liquide à sa surface. Cette singularité est possible grâce à la nature et la quantité des gaz qui composent son atmosphère, et plus particulièrement du dioxyde de carbone et la vapeur d’eau. En effet, ces deux gaz participent par effet de serre naturel à la hausse de la température de près de 35°C permettant de maintenir une température moyenne en surface de 15°C et ainsi à l’eau de rester liquide de façon stable à la surface.
L’eau joue plusieurs rôles clés. Elle est tout d’abord le berceau de la vie. La présence de l’eau liquide sur notre planète, tôt dans son histoire, a fait de la Terre un environnement propice à son développement.
L’eau est également vecteur dans de nombreux échanges entre les différents environnements terrestres formant ce que l’on nomme le cycle de l’eau. Ce cycle constitue avec l’ensoleillement l’un des moteurs de la machine climatique et de la régulation de la température à la surface de la planète.
La Terre, planète « verte »
Les taches vertes éparses présentes sur les continents interpellent également (Figure 1). Cette couleur verte est d’ailleurs souvent associée à la présence de la vie. Elle caractérise en effet la végétation, plus particulièrement les pigments verts des végétaux, la chlorophylle (Figures 2a-b et 2f).
Depuis l’espace, ce sont les forêts qui sont perceptibles recouvrant environ 30% des terres de la planète. On reconnaît notamment la forêt de l’Amazonie en Amérique du Sud, la taïga en Sibérie ou encore la forêt du bassin du fleuve Congo en Afrique centrale.
Ces forêts jouent deux rôles majeurs. Tout d’abord pour l’air que nous respirons. Les végétaux, par le biais de la chlorophylle, injectent par photosynthèse dans l'atmosphère du dioxygène (O2) dans l’atmosphère, ingrédient indispensable pour un grand nombre d’espèces vivantes. Ce dioxygène est produit à partir du dioxyde de carbone (CO2) capté depuis l’atmosphère, contribuant ainsi en partie au renouvellement de la réserve d’oxygène atmosphérique.
Par la même occasion, les végétaux participent à limiter le réchauffement global et à la régulation du climat en captant une partie du CO2 atmosphérique anthropique, faisant des végétaux de puissants puits de carbone. À leur mort, ils tapissent les sols piégeant ainsi naturellement près de 29% des émissions[1] dans le sous-sol.
Invisible individuellement à l’œil mais discernable par les satellites lorsqu’il est en quantité suffisante pour former des étendues colorées, le phytoplancton présent dans l’océan constitue une biomasse plus importante que les forêts et joue un rôle crucial dans la production de l’O2 et le recyclage du CO2 au niveau de l’océan.
C’est ainsi toute une biosphère qui se révèle à nos yeux à travers ces images. Elle est unique et propre à l’histoire de la Terre. Depuis son émergence, la vie n’a cessé d’évoluer et de se diversifier. Elle est, telle que nous la connaissons aujourd’hui, le résultat d’une évolution lente décrite par Darwin où les espèces ont cherché sans cesse à s’adapter à leur environnement, et d’une évolution ponctuée d’événements tels que la chute d’astéroïdes ou encore d’intenses activités volcaniques qui ont changé le cours de l’histoire et notamment le climat de la planète. Cette biosphère est essentielle à la survie de l’Homme de par son existence mais aussi et surtout par sa diversité.
Figure 2 : Quelques singularités de notre planète. a. Delta du plus long fleuve du pays, Irrawaddy, au Myanmar où des sédiments charriés sont déposés rendant les terres environnantes fertiles. b.Viti Levu, Fiji dans l’océan Pacifique, île volcanique avec ses forêts et ses montagnes qui abritent une biodiversité unique, entourée de sa barrière de coraux. c. Entre feu et glace avec l’épanchement de lave au nord du plus grand glacier d’Islande, le Vatnajökull (image en fausse couleur). d. Éruption du volcan Raikoke des îles Kuril en juin 2019 avec un large panache de gaz et de cendres volcaniques. e. Poussières du Sahara soulevées par les vents de la côte nord-ouest de l’Afrique survolant l’océan Atlantique et les îles Canari. f. Estuaire de la rivière Sierra Leone à l’ouest de l’Afrique dominé par des mangroves et plaines côtières, un important environnement pour de nombreuses espèces d’oiseaux. (présentation des crédits à la fin de l’article).
La Terre, planète « vivante »
Depuis l’espace, les valses incessantes des nuages blancs qui se forment, tourbillonnent et disparaissent (Figure 2e) sont synonymes d’une planète en mouvement. Ils révèlent l’existence d’une pellicule transparente et invisible mais indispensable à la vie : l’atmosphère. Cette enveloppe gazeuse joue plusieurs rôles essentiels : celui de protéger la vie, notamment des rayons ultraviolets nocifs, de la nourrir via l’oxygène qu’elle contient et de réguler le climat global de la planète.
D’autres phénomènes géologiques sont perceptibles depuis l’orbite de la Terre. Alors que les vents, pluies, neiges et gel participent à l’érosion des continents et à la sédimentation, les éruptions volcaniques (Figure 2d) avec les épanchements de laves créent et renouvellent les terres. Ces éruptions sont le témoin d’une activité d’origine interne. La chaleur stockée lors de la formation de la Terre est ainsi évacuée depuis le centre de la planète vers la surface. Elle s’exprime encore aujourd’hui par le biais du volcanisme. Contrairement à la Terre, Mars et Vénus ont connu une activité volcanique passée mais cette dernière semble être aujourd’hui éteinte faisant de ces objets des planètes géologiquement « mortes ».
La Terre, planète en « mutation »
Malgré cette beauté apparente, les satellites révèlent une planète sous un tout autre visage. L’air ambiant se réchauffe : la Terre a pris 1,1°C en moyenne depuis l’ère pré-industrielle[2]. Une hausse dérisoire ?
Il n’en est rien ! C’est tout un équilibre qui est ainsi bouleversé et plus particulièrement celui du cycle de l’eau : modification de la distribution, de la fréquence et de la magnitude des évaporations et précipitations à la surface de la planète. Les sécheresses (Figure 3e-f) et les inondations sont de plus en plus intenses et plus longues tandis que les tempêtes et cyclones tropicaux semblent être plus violents et fréquents (Figure 3a-b), créant ainsi des environnements de plus en plus hostiles où les terres deviennent incultivables ou beaucoup trop dangereuses pour y vivre.
Les conséquences d’un tel réchauffement global sont variées et déjà visibles depuis l’espace : feux de forêts (Figure 3c), recul des glaciers sur tous les continents (Figure 3g-h), acidification de l’océan, hausse du niveau de l’océan provoquée par la fonte des glaciers et la dilatation de l’océan par la chaleur…
La liste n’est pas exhaustive mais ces images prises par les satellites en orbite autour de la Terre permettent de prendre du recul, de changer d’échelle et de saisir l’ampleur de l’influence de l’Homme sur notre environnement et le climat. Sans équivalent dans notre système solaire, la Terre est une planète qu’il nous faut d’urgence préserver !
Figure 3 : Stigmates et témoins du réchauffement global. a. Chaîne de cyclones tropicaux successifs en septembre 2019, b. Zoom sur le cyclone Dorian, un des cyclones atlantiques les plus puissants, s’abattant sur les Bahamas en septembre 2019 c. Feux de forêts au sud-est de l’Australie en janvier 2020 suite aux sécheresses historiques dans le pays, d. Inondations meurtrières suite à des pluies torrentielles au nord de l’île de Madagascar en janvier 2020, c-d. Assèchement du lac Chad dans la région ouest du Sahel en Afrique, source d’eau pour un grand nombre d’habitants du Chad, Cameroon, Niger et Nigeria, e. Disparition du glacier Okjökull, Islande (présentation des crédits à la fin de l’article).
À propos de l’auteur :
Jennifer Fernando est consultante en stratégie environnementale. Elle est docteure en sciences de la Terre et diplômée de Sciences Po en politique environnementale.
Contact : jfernando.consulting@gmail.com.
Site internet : https://www.jennifer-fernando.com
Références :
[1] Global Carbon Project, Carbon budget and trends 2019, 2019. Disponible ici.
[2] OMM, Déclaration de l’OMM sur l’état du climat mondial en 2019, 2020. Disponible ici.
Crédits des images :
Figure 2 - Image 2a : ©contains modified Copernicus Sentinel-2 data (2017), processed by ESA. Image 2b : ©contains modified Copernicus Sentinel-2 data (2017), processed by ESA. Image 2c : ©Landsat-8 data : USGS/ESA. Image 2d : ©NASA Earth Observatory image, using MODIS data from NASA/EAOSDIS/LANCE and GIBS/Worldview. Image 2e : ©MODIS data : NASA. Image 2f : ©Copernicus Sentinel-2 data (2015)/ESA.
Figure 3 - Image 3a : ©NASA Earth Observatory image, using GOES 16 imagery courtesy of NOAA and the National Environmental Satellite, Data, and Information Service (NESDIS). Image 3b : ©contains modified Copernicus Sentinel-3 data (2019), processed by ESA. Image 3c : ©NASA Earth Observatory image, using MODIS data from NASA/EAOSDIS/LANCE and GIBS/Worldview. Image 3d : ©NASA Earth Observatory images, using Landsat data from the USGS. Image 3e : ©Landsat-5 image : USGS/ESA. Image 3f : ©contains modified Copernicus Sentinel-2 data (2018), processed by ESA. Images 3g-h : ©NASA Earth Observatory images using Landsat data from USGS.
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